La Corse a connu le passage sur son sol de nombreuses civilisations. Sa topologie a fait d’elle un enjeu stratégique en Méditerranée. À ce titre, elle a connu des tentatives de conquêtes avortées et d’autres qui ont permis la mise en place d’un pouvoir temporel, accompagné de son corollaire spirituel. Saint Michel a été en Corse, comme sous d’autres cieux, le « bras armé symbolique » de la christianisation, la toute première s’y faisant par l’institution de lieux de cultes dédiés à Sant’Angelo, premier vocable de l’Archange.

Photographies : Elia Vallecalle, droits réservés

 

San Michele : l'empreinte d'une géosacralisation

Une représentation cartographique de la présence de l’Archange a mis à jour une prise de possession de sanctuaires préchrétiens, chapelles et églises le long des routes de Corse. Par ailleurs, les routes des hommes et des troupeaux sont également celles des âmes et des esprits ou du moins, celles sur lesquelles se trouvent des « portes » et des « portails » donnant vers l’invisible. Saint Michel, de par ses fonctions psychopompe - qui conduit les âmes des morts - et psychostase - qui pèse les âmes des défunts - est une figure majeure de ce lien entre les milieux visibles et invisibles qui constituent le monde de l’homme des sociétés traditionnelles (Santini, 1998), perçu en Corse par le biais de sa religiosité populaire (Verdoni, 2003) sous la forme de San Michele.  En effet, le territoire insulaire ne doit pas être uniquement perçu dans ses dimensions physiques, mais aussi dans ses dimensions symboliques, car celui-ci n’est pas seulement celui que l'on parcourt, mais aussi celui où l’on prend racine, on l’on grandit et où l’on vit. Un territoire existentiel en somme, perçu à la fois par le prisme individuel et collectif de la société qu’il porte en lui.

Un corpus conséquent

Interroger la présence de l’Archange en Corse suggère un travail préliminaire d’observations à la fois mésologiques - les éléments naturels ou les paysages à proximité des chapelles et églises - ; toponymiques - les noms sur les cartes IGN, les plans terriers et cadastraux et la carte d’Etat-Major, proches des toponymes liés à l’implantation des édifices religieux dédiés à l’Archange-  ; iconographiques - la symbolique des œuvres d’art chrétiennes présentes dans les églises en Corse qui mettent en scène Saint Michel - et anthropologiques - contes, mythes et légendes. En émergent certains invariants : la présence de grottes, de menhirs, de vignes, les positions stratégiques aux sommets ou carrefours, les distances notables entre les sites, les éléments naturels et indications toponymiques suggérant une hiérophanie antérieure, une iconographie particulière et récurrente etc…
Interroger sa présence revient donc à chercher les marques de son « passage ». Et elles sont nombreuses puisque le corpus collecté révèle un patrimoine michaélique conséquent.

Inventaire de la présence de San Michele en Corse

Une genèse archaïque et antique…

Michel signifie « Quit us Deus ? » littéralement « qui est comme Dieu ? ». Et si on se demandait plutôt :  qui est comme Michel ?
Saint-Michel possède des fonctions nombreuses : psychopompe, psychostase, messager de Dieu, chef des armées célestes. Il est également rattaché à des symboliques multiples notamment celles de la lumière et du passage. Représenté avec une épée, une lance ou avec une balance à la main, combattant dragons, serpents, hydres ou Sarrasins, ses sanctuaires sont présents dans des grottes, sur des sommets, à la croisée des chemins. A l’évidence, l’Archange renferme en lui des archétypes communs à plusieurs mythologies. C’est ce millefeuille cultuel qui a été déstructuré, couche après couche, afin de remonter aux origines du mythe de San Michele. La Corse fût une terre propice aux conquêtes. La présence de trois grandes civilisations durant l’Antiquité y est aujourd’hui attestée : les Grecs, les Étrusques et les Romains. De fait, comment nier l’apport, l'échange ou l’implantation de leurs concepts religieux sur l’île ? Par ailleurs, elles aussi ont puisé les origines de leurs mythologies dans diverses civilisations antiques ou archaïques. Il ne s’agissait donc pas d’établir un portrait mythologique complet de la figure chrétienne de Saint Michel, quête impossible au demeurant tant les récupérations sont multiples et diverses en fonction des lieux, mais de relever les influences propres aux conquêtes historiques qui ont marqué, dans tous les sens du terme, la Corse, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité. Gardons aussi à l’esprit que Saint Michel n’est pas uniquement constitué d’éléments précis empruntés à un dieu plutôt qu’à un autre, mais qu’il est parfois le fruit hybride de fonctions communes propres à plusieurs divinités. De la même façon, certaines symboliques communes peuvent se retrouver chez d’autres saints chrétiens ou en Jésus-Christ lui-même. Il n’était donc pas question de chercher un fil mythologique unique, mais de reconstituer la toile mythique qui donna vie à San Michele. Le schéma ci-dessous résume ces relations entrelacées et les divinités constitutives du mythe de San Michele.

Les origines du mythe de San Michele

… au cœur d’une religiosité populaire insulaire

Les récits mythiques - contes, mythes, légendes - racontent les structures mythologiques de San Michele empruntées au monde chrétien - qui les a lui-même emprunté aux anciennes croyances des territoires conquis. Elles sont le fruit en Corse d’une multitude de sources provenant de différents endroits du monde mais recrées en communion avec le milieu dans lequel elles ont perduré. Car le San Michele corse n’est pas en tout point semblable au San Miguel espagnol ou au Saint Michel égyptien, et ce même s’ils possèdent des récurrences dans leurs symboliques. Car dupliquer le vocable d’un saint dans sa langue ne relève pas d’une acculturation mais bien d’une appropriation. Ainsi, chaque culture par l’appropriation dans sa langue de l’Hébreu Mîkhâ'êl fait état de cette transition populaire. En Corse on trouve Michele, Micheli et les contractions qui en résultent Miele, Mieli. Ces particularités langagières régionales montrent bien l’appropriation dont il est question.

Il faut bien comprendre alors, que la figure religieuse populaire de San Michele est en cela différente de la figure religieuse chrétienne de Mîkhâ'êl, car elle possède des particularités propres au milieu dans lequel elle s’est développée. Si Mîkhâ'êl puis Michele en latin « Qui ut deus ? » résulte d’une culture politico-religieuse et propose une figure commune à l’ensemble du monde chrétien, San Michele lui est le fruit d’une religiosité populaire imprégnée des cultes anciens véhiculés par la tradition orale.

 

C’est pourquoi la légende de San Micheli nant’à a tarra, recueillie à Portivechju par Don-Mathieu Santini en 1991 auprès de Dominique Branducci, aura certes dans son essence des structures universelles que l’on pourra retrouver dans d’autres cultures, mais sera profondément liée aux spécificités mésologiques de l’Alta Rocca - ici la culture de la vigne- et plus précisément de Porti Vechju - la cantina de Scinettu.

La légende balanina de la Biscia de l’Ostriconi, ce serpent géant envoyé par Dieu pour punir des seigneurs rivaux, a des caractéristiques propres à différentes évolutions et apports historiques et présente un emprunt mythologique important. Pourtant, ses variantes montrent une récupération faite en adéquation avec le milieu d’où elles émergent et nous ouvrent la route des voies de communication où les hommes, via la tradition orale, partageaient bien plus que de simples mots, comme en témoigne une version provenant de la région du Niolu, éloignée d’une centaine de kilomètres de l’Ostriconi.

La légende de l’Ogre d’Ominanda, vaincu par le jeune Paulu avec l’aide de San Michele, porte en elle les archétypes mythiques des sociétés religieuses et des religions politiques, inscrites dans un espace triangulé entre Castirla, Ominanda et le Galghello.

Les légendes de construction des églises dédiées à différents saints, lorsque les pierres se déplacent seules, ou bien transportées par des bœufs blancs en un autre endroit, comme c’est le cas pour la légende de la construction de la chapelle Sant’Anghjuli de Lanu, démontrent elles aussi l’importance du milieu et de l’appropriation d’une figure par la population, celle-ci se construisant et s’implantant au sens propre et au sens imagé dans un lieu précis.
Les légendes mentionnant l’apparition de l’Archange venu combattre le Diable, comme c’est aussi le cas à Lanu sur le Sant’Anghjuli, témoignent, par la marque comprise comme étant celle de Satan, des traces d’un passé archaïque vivant dans l’oralité.

C’est aussi le cas des régions placées sous la protection de différents saints saurochtones : Saint Georges, Saint Michel, Sainte Marguerite, car cette stratégie s’entend dans une optique défensive et protectrice liée à des croyances anciennes ou à des invasions historiques.
La toponymie est de fait intéressante mais non suffisante à la compréhension d’une géosacralisation si elle n’est pas associée aux enquêtes orales. De la même façon, une enquête orale n’aura de sens qu’en la comprenant en adéquation avec le territoire, car le matériel et l’immatériel sont insécables. Comprendre pourquoi la légende de Venacu fait état d’un Dragon combattu par Anghjulu Maria ne peut se faire qu’en observant le territoire et l’évolution de la figure de Sant’Angelo.

Si l’Offertorium, l’Offertoire de la messe des morts, mentionne Saint Michel protecteur des âmes, il demeure un chant commun au monde chrétien. Les chants corses traditionnels qui mentionnent San Michele/i sont la preuve de cette appropriation populaire de la figure de Michel. Dans le « Vocero di una madre Niolinca », les symboliques liées à San Michele sont adaptées certes aux circonstances - il est le gardien des portes de l’Invisible - mais cela démontre également que ce sont ces symboliques et représentations populaires de l’au-delà - influencées par l’Église et des croyances plus anciennes bien sûr - qui sont liées à Michele. Dans le serenatu « Quand’eu vi vecu passà », le « versu » c’est-à-dire la mélodie sur laquelle est chantée la sérénade est spécifique à la pieve du Boziu :

 

« Permettìtemi l’amore

Nun siate cusì crudele

Vi serò senza timore

Sempre custante è fedele 

Aghju una lancia à lu core

Quella di Santu Mighele »

 

L’allusion à San Michele renvoie ici à sa lance solaire dont la puissance transperce la dureté du cœur de l’homme épris. Relier San Michele à l’amour - même s’il est douloureux et ardent - est chose plutôt rare, et fait d’abord état d’une appropriation personnelle des symboliques michaéliques. Ce chant est devenu par la suite une récupération communautaire du Boziu, puisque chanté de génération en génération. Preuve en est que les symboliques soulevées dans la poésie sont inhérentes à un milieu en particulier.

Comme autres éléments issus de la tradition orale, les dictons et les proverbes mentionnant San Michele, résultent eux aussi d’une appropriation mésologique.

Ainsi, la locution « l’Estate di San Michele » faisant référence à l’été indien se dit aussi « l’Estate di San Martinu ». Si les fêtes des deux saints, ici aux symboliques communes, sont commémorées toutes deux en automne - 29 septembre pour Saint Michel, 11 novembre pour Saint Martin -, il semble cependant y avoir une répartition géographique entre l’un et l’autre. En effet « l’Estate di San Michele » semble s’étendre plus spécifiquement dans le nord de la Corse - dans le bassin bastiais - tandis que San Martinu s’octroierait le sud de l’île. Ainsi, la préférence à l’un ou l’autre dénoterait d’une appropriation communautaire.

 

On retrouve cette constatation lorsque l’on évoque les symboliques saurochtones de Saint Michel. D’autres saints - qui n’ont pas la puissance d’un archange ceci-dit - ont eu aussi cette particularité : Saint Georges ou Sainte Marguerite entre autres. S’ils sont bien présents sur le territoire insulaire, ils ne semblent pas avoir une popularité aussi forte que Michele. Ce choix ne pouvant être simplement une affaire d’implantation plus tardive d’un point de vue historique, puisque l’on trouve une chapelle romane datant du XIIe siècle pour Saint Georges et une chapelle romane Sainte Marguerite datée du XIIIe siècle, il s’agit bien d’une préférence populaire quant au choix de San Michele. Se trouvant à la croisée des chemins, les chapelles San Michele marquent les hommes qui empruntent ces voies de communication. Elles les imprègnent de leurs symboliques - déjà ancrées dans la mémoire collective puisque ayant une origine archaïque -, de leurs histoires et font le lien entre l’ici et l’au-delà, entre le vécu et l’imaginaire, entre ce que l’on voit et ce que l’on ne doit pas voir. Aussi, plus il y a multiplication de ces supports médiologiques et médiatiques, plus les hommes se sentent proches de la figure sainte, et plus ils se sentent proches de cette figure, plus ils la font vivre dans leur culture matérielle et immatérielle.

D’autres dictons mentionnent San Micheli. Ainsi dans les régions d’Afà et de Bucugnà, lorsqu’une coccinelle se pose sur le doigt, il faut prononcer les paroles suivantes afin que lors de son envol elle nous porte bonheur :

 

« Bola Buledda codda in celu

San Micheli ti darà u pane è u meli »

 

D’autres parts, à Santa Maria Sichè, la coutume voulait qu’à la San Micheli, les enfants frappent aux portes des maisons et réclament dans le vacarme « San Mieli ! San Mieli fighi è meli ! ».

Ces locutions montrent bien la confiance que les populations placent en l’Archange. En lui envoyant un médiateur - la coccinelle, appelée aussi « bête à bon Dieu » en français -, capable de traverser le Visible pour accéder à l’Invisible, ils espèrent ainsi en frappant aux portes du ciel, recevoir ce pain et ce miel, gages de quelques douceurs lumineuses. La date du 29 septembre marque l’ouverture d’un nouveau cycle saisonnier, lorsque San Micheli vient fermer les portes de la lumière pour laisser place aux ténèbres. Cette symbolique de prospérité des récoltes est une dimension que l’on ne retrouve pas habituellement dans la figure religieuse chrétienne de Saint Michel, mais qui résulte à l’évidence d’anciennes croyances archaïques ou antiques que les populations ont fait perdurer en San Micheli. À Avapessa par exemple (Luccioni, Op.cit, p.164) les bergers l’imploraient pour qu’il fasse pleuvoir ou pour qu’il préserve le troupeau des maladies.

Les fêtes de la Saint Michel - le 08 mai et le 29 septembre - sont aussi propices aux démonstrations de la religiosité populaire michaélique. Dominique Verdoni (Op.cit.) nomme ce moment particulier de l’année où les habitants commémorent un saint le « sacré de communion ». Les villages de Lucciana et de Vignale se retrouvaient chaque 08 mai au col qui les sépare pour un déjeuner festif. Si Lucciana a sa chapelle San Michele, ce n’était pas le cas de Vignale, où l’on trouve simplement dans l’église la peinture murale d’une balance avec la mention « Quis ut Deus ? ». Pourtant, en créant un moment de convivialité autour de cette fête religieuse, on resserrait les liens et la solidarité entre les deux communautés.
On retrouve le même exemple à Lanu où, à la même date, les habitants des villages de Rusiu, Lanu, Aiti et Omessa se retrouvaient à la chapelle Sant’Angelo. Cette procession était le moment festif du printemps, jusqu’à ce qu’une dispute éclate entre les communes de Lanu et d’Omessa pour la possession de la chapelle. Finalement, c’est à Lanu que reviendra la gestion de la chapelle. Omessa fera construire une chapelle plus proche de son village. Ce désir de possession est un exemple de la ferveur populaire - poussée à son extrême - envers San Michele. C’est également le cas en Casinca (Luccioni, Op.cit, p. 70) où les habitants de Loretu, Monte et Silvarecciu se rejoignaient en procession sur les ruines de la chapelle.

En d’autres endroits de Corse, les habitants ont fait le choix de déplacer la commémoration initialement prévue le 08 mai à d’autres moments de l’année.

 

A Castirla, la procession et le déjeuner festif avaient lieu fin avril jusque dans les années 1950. A Castellare di Mercuriu, la fête a été déplacée au mois d’août pour que les habitants partis vivre ailleurs puissent eux aussi assister à la célébration populaire à leur retour estival.

Ces modifications ne sont pas anodines et témoignent du fait que San Michele en Corse soit une figure de la religiosité populaire, plus encore qu’une figure religieuse chrétienne.

 

Les prigantule s’ancrent dans cette dynamique, puisqu’elles gardent en elles les traces des croyances païennes en s’articulant notamment autour de l’eau, du feu et de la pierre. Dites par des signadore/i, ces prières magico-curatives pouvant s’apparenter à de la magie blanche ne sont tolérées par l’Église que parce qu’elles mentionnent une figure sainte de la religion chrétienne. Ainsi ont fusionné croyances archaïques, antiques et chrétiennes au sein d’une même pratique populaire, et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on en retrouve une - au moins - faisant appel aux pouvoirs de Michele.

Les confréries, tiers ordre composé de laïques et longtemps considérés comme un contre-pouvoir religieux, sont aujourd’hui le lien entre le cultuel et le culturel. A Bisinchi, la confrérie San Michele a été réactivée en 2019, après cinquante années d’absence.

 

Saint Michel, bras armé de la christianisation, s’est implanté en de nombreux endroits de Corse à la croisée des routes, sur les sommets, proche des sources. Ses structures sont dépendantes des aléas historiques et des routes médiatiques et médiologiques que crée l’Église. Sa figure religieuse chrétienne s’est construite sur un ensemble de mythes provenant de différents endroits du monde pour éduquer les foules.
Saint Michel est le saint protecteur du peuple et des puissants, il est celui qui conduit à la victoire et qui décide du sort des âmes, celui qui marque la puissance de l’Église et des pouvoirs politiques en place sur les territoires conquis.

San Michele, lui, est la figure d’une religiosité populaire, qui s’est construite en accord avec le peuple qui le fit naitre et évoluer. Il n’est pas uniquement l’ange en armure, il est celui qui protège les récoltes, qui ouvre les saisons, qui fournit le pain, celui qui protège les hommes et les femmes par la force de sa lumière dans l'amour et dans la mort.
Saint Michel et San Michele ont tous deux dans leurs structures une dimension profondément médiatrice. Saint Michel vient rassembler le sacré et les hommes en un lieu, tandis que San Michele rassemble les hommes et le sacré en un milieu. Le premier fait communauté chrétienne religieuse, le second fait société religieuse.
Ancrée dans un lieu par la religion chrétienne, la société traditionnelle insulaire, à la jonction des sociétés religieuse et des religions politiques (Gauchet, 2000), vit pourtant en adéquation avec son milieu. De ce fait, les figures saintes que lui présente l’Église sont inévitablement rattachées à une culture populaire, à des traditions et des croyances plus anciennes, car les symboliques sont déjà connues et intégrées.

Dans toute sa matérialité, Saint Michel a su implanter en terre insulaire la foi et la politique de l’Église chrétienne. Dans son immatérialité, San Michele a conquis le cœur et les mémoires du peuple qui habite cette terre et cela même en des lieux où chapelles et églises ne s’étaient pas élevées.

 

Saint Michel est donc protéiforme et malléable, s’adaptant à son époque, aux pouvoirs en place et à leurs ennemis. Arbre spirituel prenant racines dans les religions archaïques et antiques, il croît et s’élève sous le soleil du christianisme - qui au besoin, le met en lumière ou le brûle, cueille ses fruits ou balaie ses cendres. Mais à l’instar du renouveau cosmique qu’il figure, jamais les désacralisations successives n’ont pu venir à bout du chef des armées célestes tant ses symboliques sont intemporelles et tant le peuple en est proche. Les traditions et croyances populaires ont fait de lui l’une des figures saintes les plus appréciées et craintes en Corse. Sous l’aile de Saint Michel sont alors nées des routes physiques, spirituelles et symboliques. Existentielles en somme.

 

Une recherche-action à la croisée des Sciences de l’Information et de la Communication et de l’Anthropologie :  un webdocumentaire sur les routes de San Michele en Balagne

En complément de sa dimension scientifique anthropologique, l’objectif opérationnel de la thèse de doctorat d’Elia Vallecalle, soutenue en 2022, était d'offrir à la figure mythique de San Michele une réelle patrimonialisation en proposant un dispositif communicationnel propice à sa valorisation, à sa mise en valeur et à sa transmission, pensé et réalisé en adéquation avec le territoire insulaire via un webdocumentaire dédié. 

Le webdocumentaire se présente comme un dispositif interactif sur le web.

Il se définit comme un support multimédia en ligne associant, au sein d’une structure narrative essentiellement non linéaire, du texte, des images, de la vidéo, du son ou des animations, en vue de partager, de façon immersive, interactive, possiblement ludique et toujours participative, des contenus variés (Klein, 2020)

Ces environnements numériques sont dits immersifs car ils tirent en effet parti des dernières technologies graphiques (images 3D, images animées, sons) pour proposer aux utilisateurs des expériences communicationnelles sensorielles et visuelles spécifiques dans des contextes variés (création, formation, santé, social) (Bonfils, 2015).

 

Le webdocumentaire « E Strade di San Michele » propose donc de découvrir ou de redécouvrir le territoire Balanin, première étape d’une quête initiatique imposée par San Michele. Par le biais d’un parcours narratif et interactif, l’utilisateur circulera numériquement sur les routes de San Michele en Balagne, des origines de son mythe jusqu’aux prémices de son déclin, en choisissant ses propres chemins.

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